L’agglomération
de Grand a vu le jour vers les années 60. Elle s’est effectuée à la
suite d’une succession de déguerpissements d’habitations spontanées dans
le centre ville de Dakar. Avec sa forte population composée de Wolofs,
Sérères, Hal Pulars, Mandingues, Diolas et autres groupes ethniques,
les habitants de cette commune d’arrondissement subissent chaque année
les effets néfastes de la saison des pluies. La plupart de ses quartiers
(Arafat, Grand Yoff, Cité millionnaire, Khar Yalla etc) sont dans des
zones inondables.
Processus enclenchés par l’Etat pour lutter contre les inondations
Pour faire face à cette situation, les autorités étatiques ont mis en place des opérations de prévention. «Pour
l’hivernage qui approche, nous allons consentir de nouveaux
investissements. Le Chef de l’Etat a eu à consentir un Conseil
présidentiel où un plan décennal de lutte contre les inondations a été
défini. Le président a également défini les programmes prioritaires,
notamment sur la RN1 où nous allons faire une station de pompage pour
qu’à partir de cette année, les inondations de la RN1 soient un mauvais
souvenir », déclare Alioune Badara Diop, directeur général de
l’Office national d’assainissement du Sénégal. Selon lui, de nombreux
travaux se sont engagés pour lutter contre les inondations.
«A Grand Yoff, nous allons
construire une nouvelle station de pompage et nous allons doubler les
conduites de refoulement qui existent. Et cela, pour mettre en place un
important dispositif de pompage afin de prendre en compte les zones de
refoulement de la zone de captage», souligne-t-il. Pour lui, le
bassin sera reconstruit et protégé contre les dépôts d’ordures. Le
renouvellement du réseau des quartiers de la Médina et de Rebeuss sera
fait avec les moyens exceptionnels alloués par le Chef de l’Etat avec la
Banque ouest africaine de développement (BOAD).
Du côté de la mairie de la mairie et de la population
«Pour le moment, nous avons
fait le désensablement des rues, le curage des canaux. Dans le budget
qui s’élève à 900 millions, nous avons acheté six motos (20 millions de
Fcfa) pompes pour la prévention des eaux de ruissellement et 11 millions
pour l’entretien du réseau », informe Madame Diagne, responsable
technique à la mairie. Selon elle, concernant le curage des canaux, ils
ont lancé un appel d’offre qui n’a pas encore connu de suite favorable.
Astou Diouf, mère de famille, victime des inondations passées, mène des travaux de prévention chez elle. « Depuis
plus de deux mois, ma maison est en chantier. Actuellement, je
réfectionne mes six chambres qui se sont effondrées à cause des pluies
de l’année dernière. Je vais aussi rehausser la devanture de la maison,
construire une passerelle parce que nous sommes dans un point très
bas ».
Entourée de ses deux fillettes, elle confie : « On
se prépare et nous espérons bien que rien ne sera plus comme avant.
Parce que nous avons été profondément touchées par les inondations.
Finalement, c’est nos voisins qui nous donnaient soutenaient. On avait
plus rien », signale-t-elle
Non loin de cette maison en chantier, la
Famille des Sar, touchée l’année passée, a pris cette saison des
précautions draconiennes. « Vous voyez, J’ai clôturé la devanture ma
maison. Je me suis débrouillé avec mes maigres moyens pour changer la
porte de la maison. Elle était en bois », soutient le vieux Sarr,
âgé de plus de 68 ans. Selon lui, ses trois voisins ont entamé des
travaux depuis plus de deux semaines. Notre interlocuteur d’ajouter : «Je compte faire d’autres travaux parce que nous sommes dans une zone inondable. Chaque année, nous sommes envahis par les ».
Anta est une jeune fille. Mariée et mère
deux enfants, elle collecte des fonds pour quitter Grand Yoff : elle a
la peur au ventre. «Chaque année, on subit les conséquences des
inondations. On a peur à cause de nos enfants. Nous n’avons pas l’esprit
tranquille quand on travaille », assigne-t-elle.
Cause des inondations
Etudiant les causes des inondations dan cette localité qui couvre une superficie de 8 km2, Fallilou Fall, Président du Comité scientifique de la ville de Dakar, révèle que la «commune est la commune plus peuplée, mais la moins dotée au plan des acquis structurants. Pour lui,
«Grand Yoff est bâti sur un nid et une source naturelle d’eau. Et,
c’est ce qui fait qu’une vaste partie de cette commune est en proie à
des inondations ». L’expert d’ajouter : « A ce phénomène
naturel, se juxtapose une colonisation anarchique et non planifiée des
rares espaces réservés à la voie publique, aux réseaux d’assainissement
non viabilisés et ne bénéficiant pas de travaux adéquats dont le coût
est hors de portée de la municipalité.»
Délégué de quartier à Djidah Grand Yoff,
Mamadou Lô, est directement concerné par les inondations. Selon lui, sa
maison a été envahie par les eaux pour la première fois. Et pourtant,
il est dans cette zone depuis 1956. « Le bassin refoule des eaux qui
ruissellent et stagnent devant et dans nos maisons. Nous sommes dans un
point très bas par rapport aux autres localités (Yoff, aéroport, HLM
Grand Yoff, Foire etc) qui nous entourent », fait-il remarquer. Assis sur une natte, vêtu en tenue traditionnelle, le délégué ajoute que «les
eaux qui remplissent le bassin proviennent des ces zones élevées. 10
Heures de pluies à Grand Yoff ne peut pas remplir le bassin. Je suis ici
depuis 1956. Et, les eaux n’ont jamais envahi ma maison».
« L’Etat à sa part de responsabilité
dans ces genres de situation parce que les gens construisent comme ils
veulent. Et, une mairie ne peut pas prendre une décision sans que cela
ne soit approuvé par le pouvoir central. C’est pour vous dire que les
inondations sont tellement complexes qu’elles dépassent même la
compétence des maries. Le budget des mairies ne peut pas prendre en
charge la gestion des inondations. C’est un domaine à problème », soutient cet enseignant rencontré en cours. Il habite à côté du bassin de rétention.
Des pistes de solutions
«L’Etat doit prendre toute sa
responsabilité. Parce que si la population souffre, c’est l’Etat qui
souffre. Il y a beaucoup de choses que les maires ne peuvent pas définir
parce qu’ils n’ont pas les moyens économiques pour apporter le soutien
nécessaire aux administrés. Lorsque Senghor prenait ses responsabilités
pour faire déguerpir les populations de Baye Gaîndé, Fass, Wakhinane et
Nimzath où se trouvent actuellement les HLM 5, les habitants de ces
localités n’étaient pas d’accord. Mais, il les a amenés à quitter les
lieux par la force. Parce que c’étaient des quartiers flottants. Vers
1975, ils s’inondaient à chaque saison des pluies. Actuellement, on
trouve le nom de ces quartiers à Guédiawaye parce qu’ils ont été
transférés laba. Senghor a délogé beaucoup de quartiers à cause des
inondations », rappelle Alassane Diakhaté, soldat en retrait.
Pour lui, c’est un phénomène historique
dans tout le Sénégal. De la maison du Parti Socialiste (P S) en passant
par la zone de captage jusqu’à Pikine, tout ce périmètre est une zone
inondable».
Installé ici depuis 1985, il estime que
l’Etat n’a aucun moyen pour éliminer définitivement les inondations.
Et, avant d’investir des milliards dans des zones inondables, ils n’ont
cas cherché d’autres endroits habitables où ils peuvent construire des
maisons et les octroyer aux victimes des inondations. «Au Sénégal,
on ne travaille pas. On parle trop. S’il y a des populations qui ne
veulent pas quitter ces zones, l’Etat n’a cas appliqué la force. Il
détient le monopole de la violence légitime. Il y a des choses qu’on ne
négocie pas », poursuit-il.
Difficultés pour l’application de l’assainissement
L’une des conséquences de la difficulté
d’appliquer les plans d’urbanisme est notamment, l’occupation anarchique
de l’espace urbain et la «généralisation » de l’habitat spontané, dans
l’agglomération dakaroise. Les occupations irrégulières s’étendent
actuellement sur près de 50% de l’espace habité à Dakar. Elles sont
localisées principalement à Pikine, Guédiawaye, Rufisque, Bargny,
parfois, sur des cuvettes qui sont d’anciennes niayes récupérées par les
occupants, sur des points bas ou sur des zones où la nappe phréatique
affleure. Cette situation aggrave l’état de ces zones en hivernage, en
accentuant les risques d’inondation.
Dans l’agglomération dakaroise, les
zones d’habitat non planifié ont constitué lors de ces dernières années,
les réceptacles naturels privilégiés des
inondations.