Coordonnateur du Syndicat autonome des enseignants du Sénégal (Saes) de l’Université de Dakar, Yankhoba Seydi jette un regard lucide sur la violence qui s’est instaurée dans l’enceinte universitaire. Après le saccage du rectorat, il condamne ces actes «barbares» et demande l’ouverture d’une enquête «sérieuse» pour tirer cette affaire au clair.
Yankhoba Seydi, quel sentiment vous anime après le saccage du rectorat et de l’Ifan ?
C’est une condamnation ferme des violences. D’abord, on ne cherche pas qui a fait ce qui s’est passé. Nous condamnons vraiment avec la dernière énergie, parce qu’encore une fois, il n’y a qu’une seule loi qui doit prévaloir dans cet espace, c’est la lumière (Lux mea lex). Quand on s’illustre d’une telle façon, c’est-à-dire perpétrer des actes dignes d’un barbare, nous en tant que Saes, ne pouvons que condamner cela. Et nous demandons aux autorités académiques, politiques, d’assurer la sécurité (de l’université) parce que cela a duré. Nous avons des actes de violence dans cet espace-là de façon récurrente. Cela donne la peur au ventre à tout le monde quand on vient travailler. Cela n’a pas de sens surtout dans un espace académique : Il faut que les autorités sachent prendre les mesures idoines pour mettre fin à cela. Qu’est-ce qui va se passer si cela continue ? La situation va nous dépasser. La loi 94-79 est là pour consacrer les libertés dans ce campus, mais ces libertés sont en train d’être violées de façon récurrente. Ce n’est pas acceptable.
D’après l’Assemblée de l’université, les présumés auteurs de cet acte de vandalisme étaient lourdement armés. Est-ce vraiment le cas ?
Il y avait des gens qui avaient des machettes très neuves. C’est-à-dire des armes qui sont sorties directement de la boutique. D’autres avaient des gourdins, des pierres : Ce sont ces pierres là qui ont atteint les bureaux du rectorat. Le bureau du rectorat général a été caillassé et cassé. Moi j’étais à l’intérieur, j’ai vu les images : Ce n’est pas acceptable, on ne peut pas laisser de pareils actes se poursuivre. C’est la énième fois que cela se passe à l’Université de Dakar, cela n’est pas acceptable. Il faut que les autorités comprennent que la vraie question dans un espace académique, c’est avant tout la sécurité. Celle-là qui permet d’avoir de facon permanente la sérénité sans laquelle on ne peut rien faire.
La présence d’une police universitaire peut-elle vous rassurer ?
La police universitaire ? Nous la demandons depuis des années. La police universitaire n’a rien à avoir avec la Police nationale qui vient matraquer les gens. Non ! La police universitaire va avoir un cahier de charges précis. Son rôle et sa mission seront définis par une loi pour protéger les libertés académiques. En dehors de cela, rien du tout. Donc elle va protéger le personnel, les étudiants et la communauté universitaire. Cette police est nécessaire dans cet espace.
Pourquoi ?
Parce que cet espace est devenu criminogène au lieu d’être «éducogène».
Certains soutiennent que le recteur avait recruté à un moment donné des «nervis» pour pouvoir faire face aux fauteurs de troubles. Est-ce vrai ?
Nous ne savons pas. Nous ne pouvons pas infirmer ni confirmer parce que nous ne savons pas. C’est pourquoi nous demandons qu’une enquête sérieuse soit ouverte pour qu’on sache la vérité. Le conseil restreint auquel j’ai assisté hier (jeudi) avait à la fin décidé de traduire les étudiants identifiés devant le conseil de discipline. Et à la sortie, nous avions vu aussi que les étudiants qui étaient intervenus au niveau des médias disaient qu’ils allaient porter plainte parce que, disent-ils, «le recteur avait ou le rectorat avait recruté des nervis». Donc, vous voyez que nous ne savons pas qui a fait quoi. C’est pourquoi, pour que les uns et les autres soient édifiés sur cette affaire, il faut une enquête impartiale et sérieuse.
Les étudiants identifiés sont au nombre de combien ?
Au conseil restreint d’hier (jeudi), le recteur nous a informés qu’il y avait 15 qui étaient venus. Mais tout cela demande à être clarifié.
Par ailleurs, il confie que la Gambie ne respecte pas ses engagements vis-à-vis de la Communauté sous-régionale, régionale et internationale en matière de libertés d’expression et de droit de l’Homme. Très remonté contre le régime de Yahya Jammeh, Aboubacry Mbodji regrette que la Gambie «viole de manière flagrante» la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. Alors que la Société civile locale, dit-il, n’ose pas se prononcer sur les violences, n’a pas de légitimité pour abriter la Cadhp. «Il y a beaucoup de plaintes devant la Cedeao. La Gambie a perdu deux procès, mais a elle refusé de s’exécuter. Aujourd’hui, elle doit répondre de ses actes contre les 9 personnes condamnées à mort le 23 août 2012», avance Fatou Diagne Senghor, coordonnatrice de l’article 19 en Afrique de l’Ouest.